Nous sommes heureux de vous présenter «Tu t’appelles comment» avec Lili Frikh. Cette œuvre est le fruit d’une collaboration réalisée à distance entre deux auteurs aux parcours très différents. La version finale de cet album mit 10 ans à se réaliser.
PRESSE :
Marco Stivell dans la revue musicale « Forces parallèles » : fp.nightfall.fr/index_16198_lili-frikh-tu-t-appelles-comment-.html |
Être chroniqueur musical n’est pas tant synonyme de routine comme on le pense ; cette activité peut avoir un goût d’aventure, notamment avec un projet tel que celui qui nous intéresse aujourd’hui. Réalisation francophone finalisée en Allemagne, distribuée par le label, elle est menée par Brieuc Le Meur, photographe de métier mais artiste ‘fluide’ naviguant entre diverses formes de musiques (électro/avant-garde, pop/rock/alternatif, opéra/classique…), voire d’autres créations (romans, film) qu’il n’hésite pas à relier entre elles. Il a fallu dix ans pour achever cette oeuvre en collaboration avec et tout à l’honneur de son amie Lili FRIKH, d’une part plasticienne basée à Montpellier, mais aussi poétesse/chanteuse qui, en 1992, a publié un premier album, La La La, chez Polygram sous la direction de Jean-Claude Vannier (le même que pour Serge GAINSBOURG et tant d’autres), remarqué par les esthètes à l’époque. En tant qu’artistes libres et multi-faces, elle et Brieuc Le Meur échangent grâce à Internet puis se rencontrent plusieurs fois au début des années 2010. Celui-ci, sous le charme de sa voix de type ‘actrice’, douce, profonde et légèrement voilée, l’écoute se confier à travers de longues discussions spontanées et philosophiques sur le quotidien, l’amour, la technologie et autres thèmes d’importance liés à tout-un-chacun, qui surviennent notamment de nuit, dans le silence casanier ou les promenades au milieu de la foule, dans Montpellier. Toute ressemblance avec une oeuvre surréaliste nommée Nadja, écrite par un certain André Breton, n’est pas si incongrue ! Ces moments-là, Le Meur les enregistre, va jusqu’à effacer sa voix de la plupart des dialogues pour laisser le champ à Lili FRIKH, faire croire qu’elle parle toute seule même en se sachant avec quelqu’un. L’échange est à la fois réduit et bien là, surtout grâce à tout le travail de découpage/montage et à la production, l’habit fait de musiques électroniques, ambient voire spectrales. On peut avoir l’impression d’écouter un livre audio, même si ce support est souvent réservé aux romans ou aux séances de méditation. Tu T’Appelles Comment ? est un projet à part de ce que l’on peut avoir l’habitude d’entendre, même dans la forme la plus poétique et recherchée d’expression française littéraire, à la fois arty/avant-gardiste, pensé et improvisé, rythmé et relâché. C’est une oeuvre exigeante qui invite à se laisser porter, à écouter simplement. D’aucuns diront ‘Téléramesque’, ‘romangraphesque’ mais il y a aussi de bonnes idées à prendre de ce côté-là. Par exemple, dans le cas de la technologie (« Machine de Compagnie »), Lili FRIKH souligne l’importance de la machine, en parlant d’ordinateur et de téléphones portables/smartphones, pas si mauvaise car l’Homme, selon elle, y recrée une forme de fidélité qu’il a perdue pour lui-même. Et cependant, elle pense que la machine doit rester un outil auquel il ne faut pas se soumettre. Ainsi, l’orchestration/organisation de Brieuc Le Meur se veut-elle accompagnatrice et toujours secondaire, afin de souligner le moindre mot ou émotion mais seulement quand il le faut : certains titres basés sur le découpage (« On Avait Dit Chiens »), tandis que d’autres conservent la fluidité de la parole, la laissent parfois et de nouveau totalement libre si besoin (le dernier morceau, a-cappella). Au fil des monologues, Lili FRIKH parle d’elle et de son expérience, de sa vision du monde (une planète et non des pays), de l’amour aussi (beaucoup), avec des remises en question d’un système courant à ses yeux bien trop étriqué, y compris entre une femme et un homme. Il y a aussi une place concernant l’émotion, la vraie au moment du vécu, dans travail/retravail artistique, dénaturisation… Et de grands noms de la philosophie, de la psychanalyse, pour ne pas les citer, en prennent pour leur grade. Tout cela pour dire, que l’on soit ou non d’accord avec elle, il convient de simplement écouter ce timbre de voix très plaisant, authentique (peu importe l’état d’esprit d’alors, le rhume, l’alcool peut-être), et de prendre l’oeuvre telle qu’elle se présente : une rencontre, une balade enrichissante. L’habit électronique, fait de machinerie et de boucles synthétiques ou informatiques quoi qu’il en soit, n’enlève rien au caractère humain d’un tel moment. La réalisation de Brieuc Le Meur diversifie sa palette avec du Vocodeur, des chants religieux samplés sur le premier titre, des pépiements d’oiseaux, des bruits de rue, des effets zozotants (« Je T’aime Stop », évoquant le télégraphe, le langage morse), des nappes de différents timbres. Là où « Intéroceptif » paraît sombre, « Lili et les Mots » se perd dans l’espace cosmique. En somme, un beau voyage pour lequel il n’est pas déplacé de se remémorer le travail d’un certain Jean-Michel JARRE sur son splendide Zoolook, quand il avait samplé des voix partout dans le monde, en étant attentif à ce que Le Meur fait lui-même de ce côté-là des arrangements. Sortie le 22 septembre. Pré-écoute et pré-vente : https://f4editions.bandcamp.com/album/tu-tappelles-comment |
Recours au poème, la revue. Numéro de novembre / décembre 2022 : https://www.recoursaupoeme.fr/lili-frikh-tu-tappelles-comment-et-autre-poemes-2/
Pascal Nyiri Brévard, chroniqueur radio : Une longue chronique de l’album sur F4
Tu t’appelles comment / Lili Frikh / Brieuc Le Meur / Sortie le 22 septembre, aux éditions f4 / Alien Trend.
Ça s’appelle : Tu t’appelles comment ; mais ça s’appelle comment ? Jusqu’ici, ça ne
s’appelait pas, ou bien on disait poésie, écriture, belle écriture, on disait c’est beau, très beau.
On disait. Mais ce que Lili offre dans cet album c’est l’expérience visible, éclairante, que la
parole est déjà (en soi) écriture ; et que la parole s’offre comme le mot bienveillant (ou non-
bienveillant mais sincère) à l’ami. La parole n’est parole que si elle s’écoute, et c’est l’Autre,
le Confident, qui écoute, certainement, à coup sûr. Et Lili, comme tout poète – même s’il
n’écrit pas et qu’il dit (s’arrête au dire, mais c’est déjà immense) – Lili perçoit assurément,
dans la seconde, la conjoncture miraculeuse d’être en face de l’Autre. Une certitude : dire ce
n’est pas dire. Dire ça reste. C’est écrit dans la tête, ça y est pour toujours (le vrai toujours qui
ne dure pas).
Ça s’appelle : Tu t’appelles comment. Il s’appelle Brieuc Le Meur. Il vit et travaille à Berlin
l’enclave futuriste de la dystopie : Art Vivant. Ça se passe la nuit, il se dénude, les ténèbres
aussi se dénudent, ça ôte ses défenses, ça accepte d’en prendre plein la gueule sur le ring de la
vérité juste (ou injuste mais nette), ça accepte le coup douloureux de l’aveu pur qui s’infiltre
et part aux cieux de l’être à la vitesse d’un crochet du gauche. De nuit en nuit Brieuc
enregistre les mots d’un combat inégal, et ce qu’il enregistre temporise ou plutôt organise le
taux de ce qu’il peut recevoir, à la façon du psychanalyste face à la désolation (sœur du poète)
de celui ou celle qui ne nommait pas et qui nomme enfin. Il y a un démarrage, exactement le
même démarrage qu’une moto de course, les synthés, le vocodeur, les effets, iraient bientôt à
250 si l’attraction terrestre ne s’était pas effacée sous les touches d’un piano providentiel.
Mais dans ces enregistrements rien ne disparaît, ni la nuit, ni les mots, ni les réseaux de la
cybernétique, tout se rejoint, descend sans s’annihiler, remonte sans violence. Les paupières
fermées j’ai vu Brieuc Le Meur.
Ça s’appelle : Tu t’appelles comment. Ce sont dix années d’échanges, la durée du
vieillissement d’un whisky dans son fût de chêne. C’est à la fois une articulation et une
désarticulation, mais entre les mots : rien, et surtout pas la musique. La musique ici est le lit
du repos de Lili, allée à l’héroïsme, revenue et repartie, non pour elle même mais pour l’objet
qui ne s’appelle pas, ne répond pas à son nom, et se demande toujours ce qu’il fait là, entouré
de qui, sans pour cela que ce soit une interrogation. La question n’est pas ce qui demande la
réponse, la question pose des mots. Et l’amour ? demande l’amour à l’amour.
Ça s’appelle : Tu t’appelles comment. Je ne veux pas oublier la machine, la machine c’est le
fée Carabosse, elle est à Berlin, dans l’âme de l’histoire. Ne l’oubliez pas vous non plus, elle
garde tout en mémoire, en cela on ne peut être plus fidèle. La machine joue le rôle du
chirurgien, non pas pour opérer le texte, ou Lili, ou Brieuc, mais réparer en nous, moi le
premier, l’os rompu dans l’incident d’être né.
Bonne écoute à vous. Fermez les yeux pour mieux y voir.
Pascal Nyiri Brévard – 14/07/2022
On nous annonce, on nous soutient, sur Remue.net, revue de poésie : https://remue.net/lili-frick-et-brieuc-le-meur-tu-t-appelles-comment
Itw de Lili sur Radio RPH Sud. https://www.rphfm.org/les-arpenteurs-poetiques-lili-frikh
Jean-Pascal Mattei, critique de cinéma, et son magazine « Le miroir des fantômes » : https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2022/09/message-personnel.html
Ben Coudert, musicien, nous parle de sa découverte de l’album.
Ils s’appellent comment ?
Ils s’appellent Lili Frikh et Brieuc Le Meur et ils viennent de sortir un disque singulier.
Il s’agit ici de poésie mise en onde… ce qui ne veut pas dire grand chose ou tout et son contraire. Il se trouve d’ailleurs que moi-même je porte beaucoup d’intérêt à cet exercice périlleux et que je m’y risque depuis quelques temps à coups d’essais et de tâtonnements.
Alors puisqu’on parle de poésie, celle de Lili m’a mis une grande et belle claque. Sauvage, lunaire, instinctive et pleine d’émotion, son écriture prend sa force dans le fait justement qu’elle n’en est pas une. Nous parlerons plutôt de sa non écriture, son anti-poésie qui dépasse les mots et rend enfin grâce à ce qui est ou devrait être le véritable objet poétique.
J’ai toujours pensé que les meilleurs poèmes étaient des photographies… et que les mots, trop humains et prétentieux, s’accaparaient la plupart du temps le premier rôle, volant la vedette à la poésie alors qu’ ils ne devraient être là que pour la servir.
Si beaucoup de poètes s’écoutent, Lili fait le contraire. D’ailleurs, mal voyante, elle ne se regarde pas non plus.
Est-ce la raison de l’hypersensibilité de sa poésie ? Je ne sais pas. Elle effleure ce sujet comme plein d’autres dans un tourbillon émotionnel qu’on traverse avec elle… et c’est sous la forme d’un dialogue morcelé, par petites bribes intimes que jaillit la richesse de son monde intérieur.
Brieuc et elle ont choisit comme matériau leurs conversations. La plupart du temps Brieuc lui répond avec sa musique mais parfois on entend aussi sa voix. Ils parlent d’arts, de sentiments, de tout et de rien mais quand même surtout de tout, nous invitant parfois même dans leurs réflexions sur ce qu’ils sont en train de faire… ce qui nous plonge dans une délicieuse mise en abîme. On les suit dans leurs errements et leurs questionnements…
La musique est magnifique, toute en clair-obscur… minimales et organiques, flirtant parfois avec le field recording, les textures sonores de Brieuc accompagnent admirablement les mots de Lili, tournoyant avec eux dans un free jazz de pensées et d’émotions, ou les hasard et les expérimentations ont été gardées intactes.
Un album à fleur de peau, ultra humain et sensible.
J’ai vraiment adoré, c’est la raison pour laquelle j’écris ce texte. Allez jeter une oreille ici et achetez leur magnifique disque
*
Ben Coudert. Musicien.
Rencontres poétiques et lectures : A découvrir à la Maison de la poésie Jean Joubert lors de la « Rentrée littéraire en poésie », avec Lili. Le 1er octobre 2022.